"Le bonheur d’être différent" : l'histoire de Desigual
Près de 30 ans après sa création, la marque Desigual est aujourd’hui à son apogée. Les ventes de la marque ont connu une croissance de plus de 80% l’année dernière. Ses collections empruntes d’optimisme n’ont jamais autant eu le sourire…
« Quand nous avons lancé la marque, nous n’avions presque rien dans les poches. Notre bureau se résumait à une vieille porte posée sur des tréteaux en guise de table. L’appartement était dans un état épouvantable. Nous n’avions même pas l’électricité ! Un jour, nous avons écrit sur le mur ‘ Nous allons attaquer Lois’. Nous n’avions rien contre eux personnellement, mais à l’époque, ils étaient leader du marché et les détrôner était notre principal objectif. »
Alors que Lois était sauvée in extremis en décembre 2008 en se faisant racheter par Six Valves après la faillite de Sáez Merino, la maison-mère, Thomas Meyer –cet ancien hippy suisse qui a créé Desigual en 1983– préparait l’ouverture de son premier magasin à New York et terminait l’année avec une croissance des ventes de 80%.
La marque, qui doit son nom à un slogan imaginé par Isabel Coixet est sortie de l’anonymat en gagnant sa notoriété dans les années 80 grâce à des vestes en jean Disney. Aujourd’hui, Desigual emploie près de 2000 personnes et a pour objectif d’ouvrir 80 magasins de par le monde. Les bureaux du siège seront prochainement transférés dans un bâtiment barcelonais de 11.000 m² et seront entièrement conçus par le studio du designer Ricardo Bofill. Personne ne devrait vraiment être étonné d’y lire la devise « La vida es chula » (la vie est chouette)
« Notre devise est ‘la vida es chula’ (La vie est chouette), et nous ne le revendiquons pas seulement pour l’inscrire sur un t-shirt. Nos clients le savent très bien. »
Assis en salle de réunions, du siège actuel du quartier de l’Exiample à Barcelone, Manel Adell, le directeur général de Desigual depuis 2002, jubile en nous montrant des vidéos des nombreux « happening » de la marque: des employés jouant les mannequins à une fête de Noël, des vendeurs en plein délire, des gens en train de faire n’importe quoi devant le nouveau magasin de Marseille… C’est avec le même enthousiasme qu’il nous montre des présentations d’un système logistique mis en place par la firme, qui a d’ailleurs depuis fait ses preuves au niveau international.
Manel Adell, Directeur Général de Desigual.
« L’année 2009 a été ‘bestiale’. Une croissance de 85% en un an est forcément une excellente nouvelle, mais pas évidente à assumer ! Ça change tout », commente Adell, dont l’arrivée a permis à Meyer de compter sur « un frontal, quelqu’un avec qui me disputer » et à la firme de s’offrir la rigueur et le sérieux d’un homme qui s’est chargé de l’expansion de Bang & Olufsen dans 35 pays.
« L’un des plus grands défis que j’ai eu à relever, c’est quand notre mode de distribution a changé », se rappelle Adell. « De grossiste, nous sommes passés à détaillant, ce qui nous a obligés à nous concentrer sur le client final. Nous passions d’un système où nous vendions deux fois par an et étions dans un circuit dans lequel nous avions six mois pour savoir si un article fonctionnait ou pas. En 2002, 80% de notre activité était calée sur ce fonctionnement et plus de 90% de nos ventes étaient réalisées en Espagne. »
Le second défi relevé par Adell a consisté à internationaliser la firme. Mais pour cela, il avait un plan : « Nous traitons l’Europe comme un marché local. Pour nous, Perpignan compte autant que Séville. C’est en partie grâce à cette philosophie qu’aujourd’hui, des personnes de plus de 30 pays travaillent chez Desigual. Ce bureau, c’est un peu comme l’ONU et vendre en Europe s’est naturellement généralisé».
A l’heure de vérité, Meyer c’est le ‘sérieux’, celui qui ne veut pas d’interview mais qui parle du « désir de faire quelque chose d’important. Notre taille contrairement à d’autres, nous donne de la liberté ». Adell, quant à lui se souvient, amusé des réunions annuelles du comité de direction, sur un bateau ancré sur le canal d’Amsterdam : « Heureusement que les propriétaires ne parlaient pas espagnol, parce qu’ils avaient compris ce que nous criions, ils ne nous auraient jamais autorisés à revenir ».
Ce qui est sûr, c’est que Desigual, avec son patchwork, ses imprimés, son optimisme contagieux et sa vocation d’être différent, mais toujours d’un point de vue qui permet de parler au public en les regardant dans les yeux, est un phénomène aussi étrange de l’extérieur que de l’intérieur… Josep Lluis Micó, professeur de journalisme à l’Université Ramon Llull de Barcelone et spécialiste de mode pense que cette marque, aux antipodes des paramètres des tendances est digne d’être étudiée. « L’essence esthétique de la marque s’est maintenue, mais le public auquel elle s’adresse, la signification sociale de ses vêtements mais aussi ses prix subissent des mutations. Cette marque semble être conçue pour des personnes urbaines, sophistiquées, à la recherche de tendances…Mais les personnes qui portent leurs vêtements dans la rue, ne nous disent pas la même chose. Les barrières de l’âge et des tailles sont désormais tombées ».
Alors, en route pour la domination mondiale mais pour la bonne cause : avec le bonheur d’être différent et l’optimisme en cortège. L’équation du succès de Desigual s’explique dans un magasin ouvert au public où des vêtements sont répandus en vrac comme dans une chambre d’étudiant, où l’on vous sert des jus de fruits et où des filles s’affairent sur des machines à coudre, institutionnalisant l’art de customiser ses fringues. Toute une série de stratégies marketing qui, depuis le début, ont parié, non pour l’individualisme, mais plutôt sur l’idée de faire partie d’une communauté.
Récemment, la marque a organisé des événements qui ont rencontré un succès étonnant : 7.000 personnes s’embrassant à Madrid ou une centaine de personnes toutes nues devant la porte d’un magasin venues pour se rhabiller gratuitement !
Meyer croit que la connexion émotionnelle avec le client est l’une des clés du succès de Desigual qui a multiplié entre 2002 et 2008 son volume d’affaire par 18, incarnant ainsi l’entreprise espagnole qui a connu la plus forte croissance.
« Notre devise est ‘la vida es chula’ (la vie est chouette), et nous ne disons pas seulement ça pour l’inscrire sur nos t-shirts et dans nos catalogues. Les gens perçoivent notre philosophie dans les magasins, dans nos collections…c’est l’addition de tous ces éléments qui laisse une emprunte sur l’état d’esprit général de notre marque. Ce que nous faisons, nous le faisons avec plaisir et parce que ça nous plaît et les clients le ressentent. Nous essayons d’insuffler cet état d’esprit positif - depuis les bureaux jusqu’aux magasins - c’est d’ailleurs l’une des clés qui nous a fait gagner un MAPIC EG Award (une sorte d’Oscar du retail) qui nous a récompensé notre marque comme meilleur concept de le planète, devant Disney et Lavazza. »
Bien qu’ils publient des livres pour célébrer leur 26° anniversaire (certaines mauvaises langues disent qu’ils ont oublié de fêter leurs 25 ans, d’autres au contraire, que c’est une date comme une autre), quand quelque chose devient si universel, on court toujours le risque de voir sa personnalité se diluer. « L’orientation de la marque est plus que jamais d’être différent », rappelle Micó. « Mais cette idée est forcément remise en question si une fille qui porte un de nos t-shirt pourtant particulier et caractéristique et qu’elle arrive au bureau et voit trois de ses collègues porter le même… »
L’esprit de chaque collection de Desigual germe dans la tête de Thomas Meyer, qui dessine une feuille de route avec des phrases, des couleurs et des imprimés sur laquelle se basent l’équipe de styliste pour créer ce qui deviendra la collection définitive.
L'équipe de designers Desigual
Bien que Desigual ait la réputation d’être une marque de T-shirts, la maison vend beaucoup plus la collection hiver que la collection d’été et depuis peu, elle connaît un franc succès avec ses collections enfants. De nos jours, la mode infantile un EL Dorado pour l’industrie textile. Desigual a réalisé que la traduction de son concept esthétique de l’adulte à l’enfant était quasi littérale. « Nous avons d’abord reproduit nos modèles adultes à la taille des enfants » se souvient le suisse. « Aujourd’hui, les articles pour les enfants ont leur propre identité, à un tel point qu’au court des dernières saisons, ils ont inspirés les collections adultes ».
Dans un monde où les grands voudraient rester petits et les petits devenir grands, Desigual a trouvé comment répondre aux deux aspirations.
Et pourtant, même si tout semble rouler pour cette entreprise, même ce qui ne dépend pas directement d’eux, Meyer admet tout de même que tout n’est pas si simple. « D’un point de vue purement esthétique, ce que nous faisons aujourd’hui subit plus de pression. Nous avons moins de liberté ». Mais comme de bien entendu, il retire du positif de ce constat. « Nous jouissons aujourd’hui de plus grandes possibilités, notamment d’une plus grande capacité à approfondir certaines techniques. Quand nous étions une petite entreprise, nous commandions un tissu spécial et les fabricants éclataient de rire. Aujourd’hui, ils nous accueillent en déroulant le tapis rouge et nous offrent un verre ».
Liste des boutiques Desigual sur http://www.desigual.com/
Si vous ne trouvez pas de magasin Desigual proche de chez vous, vous pouver faire votre shopping en ligne sur :
Traduit en français par Scrib’on Web de l’article original de XAVI SANCHO 08/08/2010 El Pais.
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